Georges MEURANT 2005


"Joëlle DELHOVREN représente la personne humaine, exclusivement. Elle dessine depuis la petite enfance. À l'âge adulte, elle poursuivit ce geste naturel, dans les métiers qui lui furent ouverts par des études en communication visuelle, sans y trouver l'épanouissement que lui offrit, voici une décennie, l'immersion dans la peinture, une activité solitaire, un art de l'individuation.

Elle crée cependant, en marge de son activité professionnelle de promotion du sens, des carnets d'images et de mots, des jeux dédiés, à ce jour, à huit thèmes interrogatifs : Icône-iconographie-iconoclaste, Human Figure in Emotion, Grand, Espace, Corps humain, Moucharabieh, Le songe de Constantin, Résistances. Ce sont des assemblages contrastés ou paradoxaux, des collages à panneaux et tiroirs, des inserts de dessins tracés ou peints, de photos, d'objets, détournés, imbriqués, superposés avec ou sans transparences ou ouvertures, des montages, des répétitions sérielles, des progressions et des ruptures. Tout cela met en abîme les codes déshumanisants qui nourrissent l'art de communication d'une société de consommation plus aliénante que socialisante et l'affirmation vécue au quotidien, entre empathie et compassion, d'un humanisme à partager.

La peinture de DELHOVREN est vouée au portrait, d'après ses propres photos. Le recadrage, première décision picturale, élude au maximum le fond. Tout l'espace doit provenir du sujet, qui s'identifie au tableau, en surgit. La représentation outrepasse largement la dimension naturelle. La figure (la tête, voire le buste et les membres supérieurs, guère au-delà) est construite par les volumes, des grands vers les petits. Les éléments s'articulent et se détachent, brossés, taillés d'une main qui obéit à l'œil  - d'un œil qui a appris à voir -  jusqu'à la peau, interface plutôt que texture. L'œuvre est réaliste, sans concession, enlevée sans habileté superflue, dans l'économie des gestes et des moyens. La couleur, huile sur toile écrue de lin, est réduite à l'essentiel, dominée par le rouge, le blanc et le noir, en clair-obscur plus qu'en contraste de tons.
À l'œuvre l'artiste est à la rencontre d'elle-même. Ses portraits traquent la vulnérabilité sous les traces des vécus. Ils sont muets autant que les carnets sont loquaces, ils poursuivent un même objectif. Ils tentent de montrer le lien qui nous attache les uns aux autres. Joëlle DELHOVREN invite des artistes amis (et amis d'amis) à partager avec elle le montage de cahiers thématiques. Deux sont publiés à ce jour, qui confrontent la variété des individualités et des entendements."