Article dans l'AGENDA 12/18 juin 2015 - Kurt Snoekx


Kurt Snoekx – Agenda juin 2015
CE QUE VOUS NE VOYEZ PAS
 
Circulez, il n'y a rien à voir!  Les œuvres de Joëlle Delhovren jettent un regard sur ce qui est clairement et irréfutablement absent.
 
C'est à un dialogue passionnant que l'on assiste entre les scènes sur des toiles ombrées et résistantes et les dessins sur papier recyclé de  l'artiste bruxelloise Joëlle Delhovren. Ces deux composantes de son œuvre figurative, interconnectées et placées sur un pied d'égalité, rendent hommage à la force narrative de l'art et à l'étincelle que celui-ci est à même de produire chez le spectateur pour l'emmener bien au-delà des apparences. On est constamment projeté de petites tranches de vie intimistes, parfois oppressantes - de tableaux qui pourraient sortir tout droit d'un album de photos de famille – vers des histoires qui, baignées de la lueur brumeuse des souvenirs, acquièrent des proportions terrifiantes. On est témoin de l'intimité de mains qui s'activent: tantôt elles caressent, tantôt elles tiennent à distance; elles invitent; elles étreignent ou touchent; parfois  négligemment, parfois résolument. Dans d'autre cas, on ressent l'attrait irrésistible de cette chose qui pousse les foules à pointer leur regard sombre vers le ciel ou qui conduit les individus à regarder de très haut – tels des dieux – en se situant au-dessus des événements, en tirant certaines ficelles et en observant ce qui se passe réellement.
 
Il se passe toujours quelque chose dans les œuvres de Joëlle Delhovren; à tout moment, quelque chose se produit ou est sur le point de se produire, là, tout près de nous, mais hors de vue, en marge de ce que l'artiste veut bien nous montrer. Souvent, ses peintures ne portent pas tant sur l'histoire personnelle ou sociale, grande ou petite, surexposée, qu'elles semblent raconter que sur les personnages qui la subissent ou qui manipulent les événements. C'est que les apparences sont trompeuses et souvent, c'est ce qui se dérobe à notre regard qui hurle de façon menaçante et imparable depuis l'ombre de l'arrière-plan. Comme cette chose que l'on aperçoit subrepticement mais qui n'a de présence que par son évidente et irréfutable absence.
 
Sur les toiles de Joëlle Delhovren, le monde devient une scène, une pièce où se jouent de petites et de grandes manipulations; et nous, nous nous trouvons en coulisse: dans la périphérie, dans ce lieu qui échappe à l'attention de tous, mais où la réflexion, la pensée, et les sentiments peuvent le mieux être compris. Là-même où l'artiste achève son acte de création, compose les histoires qu'elle nous montre comme elle l'entend, et qu'elle manipule pour produire des effets, pour semer la confusion superposer les couches, pour la beauté elle-même.
 
Restez, il n'y a rien à voir!